Tayler Hensen Hensen itibaren 24060 Campagnola BG, Italy
Gilles Labarthe est journaliste d’investigation. Compagnon de route de l’association Survie, présidée jusqu’à sa mort par François-Xavier Verschave, il s’est fait une spécialité des arcanes économiques de la Françafrique. Son dernier ouvrage évite toutefois les outrances de certaines publications de cette association vengeresse, tel le Nicolas Sarkozy ou la Fraçafrique décomplexée de Samuel Foutoyet (éditions Tribord, 2009). Même s’il ne contient pas de révélations renversantes et se borne trop souvent à recycler des informations déjà connues, il se lit sans déplaisir. Gilles Labarthe ambitionne de dresser une « biographie sous l’angle africain » de Nicolas Sarkozy. Il veut faire mentir l’image d’un Président qui se désintéresserait de l’Afrique. Au contraire, soutient-il, le futur candidat à la présidentielle s’est très vite convaincu que tout candidat à l’Elysée devait être adoubé par les chefs d’Etat les plus influents de l’ancien pré carré. Cela explique le soin qu’il a pris à entretenir des contacts réguliers avec eux, et au premier chef avec Omar Bongo qu’il ne manquait pas d’aller saluer à l’occasion de ses –nombreux – passages à Paris. L’auteur montre que, durant toute sa carrière, Nicolas Sarkozy a côtoyé des hommes politiques (Achille Peretti, Charles Pasqua, Patrick Balkany …) ou des hommes d’affaires (Jean-Marc Vernes, Vincent Bolloré, Martin Bouygues …) très impliqués en Afrique. Mais – et c’est là que le raisonnement pêche – il ne suffit pas que le futur président ait croisé quelques hommes liges de la Françafrique pour faire de lui un « Africain ». Un chapitre par exemple est consacré à Michel Lunven qui, après avoir travaillé auprès de Jacques Foccart, fut ambassadeur à Niamey, à Bangui et à Libreville. Il finit sa carrière comme « conseiller Afrique » de Martin Bouygues. L’amitié bien connue qui lit l’héritier du géant du BTP et le futur Président ne justifie pas à faire du conseiller de celui-ci un proche de celui-là. Gilles Labarthe est en revanche plus convaincant quand il souligne le lapsus entre les promesses du candidat de rompre avec la Françafrique et le conservatisme de sa présidence. Il rappelle les belles envolées du discours de Cotonou du 19 mai 2006 (« il faut (…) débarrasser la relation franco-africaine des réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont d’autre mandat que ceux qu’ils s’inventent ») et décrit avec piquant les faux-pas du premier périple présidentiel africain au Sénégal puis au Gabon, alors qu’on attendait le nouveau Président au Ghana ou en Afrique du sud. Mis sous presse en février 2011, le livre de Gilles Labarthe ignore les dernières évolutions de la politique africaine de la France. Il est difficile de lui en faire le reproche. Il n’en demeure pas moins qu’elles contredisent largement sa présentation trop négative. Après une décennie houleuse, la Côte d’Ivoire a enfin tourné la page Gbagbo en avril 2011. C’est une belle victoire pour la démocratie et pour la France. Autre évolution significative : Claude Guéant, qui pendant quatre ans a eu la haute main sur toutes les affaires africaines a quitté l’Elysée fin février. Il n’est pas sûr qu’il puisse continuer à leur porter la même attention depuis son bureau de la place Beauvau. D’ailleurs les révélations en septembre de Robert Bourgi, qui était proche de l’ancien secrétaire général de l’Elysée, sont le révélateur d’un glissement de pouvoir. Ce grand « déballonnage » a des airs de champ du cygne.